Les PME peuvent-elles boucler la boucle ? Comment les petites entreprises peuvent porter l’économie circulaire.

Chaque année, le Jour du dépassement de la Terre – le moment de l’année où nous commençons à consommer plus de ressources que la Terre peut en régénérer – arrive un peu plus tôt. Au rythme actuel, nous aurons besoin de trois Terres pour soutenir nos systèmes de consommation et de production d’ici 2050. Passer à des modèles d’affaires plus durables et circulaires est désormais une priorité urgente, et les PME détiennent la clé de la transition. 

Les pressions environnementales s’intensifient  

D’ici 2030, la classe moyenne mondiale devrait atteindre les 4,8 milliards d’individus– soit 1,3 milliard de personnes de plus, avec un pouvoir d’achat accru, par rapport à aujourd’hui. Cette nouvelle demande stimulera la croissance, mais accentuera aussi la pression sur les matières premières et les écosystèmes naturels. Les déchets plastiques annuels mondiaux ont plus que doublé au cours des vingt dernières années, près de la moitié provenant des emballages. À peine 9 % sont recyclés, 19 % incinérés, et le reste est mis en décharge ou mal géré, entraînant des fuites dans l’environnement et la chaîne alimentaire. Les entreprises doivent repenser leur approche pour un changement radical. 

L’économie circulaire offre une issue 

L’économie circulaire promeut l’efficacité des ressources, la réutilisation, la réparation et le recyclage. Au-delà des avantages environnementaux offerts, cette approche réduit les coûts pour les entreprises et les consommateurs, ainsi que la dépendance à des marchés de matières premières fragiles et volatiles. Elle crée également de nouveaux emplois : dans l’UE, 700 000 emplois pourraient être ajoutés dans l’économie circulaire d’ici 2030. 

Ces nouveaux modèles nécessitent des innovations dans les matériaux et la conception pour faciliter le démontage, le recyclage et la remanufacturation. Beaucoup de ces innovations proviennent de petites entreprises. Des entreprises comme LumiAdd (Royaume-Uni), qui fabrique des éclairages à partir de bioplastiques à base de plantes, utilisant l’impression en 3D pour personnaliser le design et limiter les déchets, sans coûts d’outillage, et avec un système de retour des produits, de sorte que les luminaires puissent être réutilisés, remanufacturés ou compostés. 

Faire vivre les produits plus longtemps nécessite de la maintenance, une infrastructure et des technologies pour permettre le suivi, la collecte et une logistique inversée, ainsi que des marchés pour vendre les produits remis à neuf et d’occasion. Ici, Smart2nd (Finlande) propose un marché pour les appareils électroniques d’occasion. L’entreprise remet à neuf les smartphones déjà utilisés, certifie l’intégrité et l’effacement des données, et fournit des accessoires, des options de financement, des assurances et des services de réparation. 

Le partage nécessite des solutions intégrées et des plateformes pour le regroupement, l’accès et la copropriété. Encore une fois, les petites entreprises ont des solutions : Zupply (Danemark) connecte les acteurs de la construction pour optimiser l’approvisionnement et la logistique des matériaux de construction entre les sites. La plateforme tire parti des données et de l’automatisation pour surveiller les flux de travail and générer des jumeaux numériques tout au long du cycle de vie des produits, et partage les inventaires avec les utilisateurs. 

La location, les modèles de paiement à l’usage et les services après-vente devraient prospérer. Signify (Pays-Bas) propose un “éclairage en tant que service”. Moyennant un abonnement mensuel, elle exploite des systèmes d’éclairage avec intelligence artificielle et internet des objets qui permettent d’économiser l’énergie et d’en prolonger l’utilisation. 

Nous devons accélérer le rythme de la transition circulaire   

Source : Eurostat (2024), Indicateurs de l’économie circulaire, Taux d’utilisation des matériaux circulaires, https://doi.org/10.2908/ENV_AC_CUR, données extraites le 05 janvier 2024.  

Pour agir rapidement, les PME peuvent faire la différence – mais un plus grand nombre d’entre elles doivent devenir circulaires 

La petite taille des PME, leur agilité et leur savoir local sont de véritables atouts, les aidant à identifier et à exploiter les opportunités pour boucler la boucle. De plus, ceux qui le font s’en sortent bien. Des recherches récentes de l’OCDE montrent que les PME adoptant des pratiques circulaires tendent à être plus productives, à investir davantage et à payer des salaires plus élevés. 

Les mêmes travaux montrent que seulement 38 % des petites entreprises, et à peine plus de la moitié des entreprises de taille moyenne, s’engagent pour l’environnement. Ce n’est pas suffisant. Mais pour plus d’engagement, les PME ont besoin d’un coup de main. Les PME font face à des défis que les grandes entreprises ne rencontrent pas, notamment en matière de réglementation environnementale complexe, ou d’accès à la technologie, aux compétences et au financement. C’est là que les gouvernements peuvent intervenir. 

Premièrement, en soutenant les PME dans l’utilisation de solutions numériques et de données pour la conception et une meilleure efficacité des ressources. Ici, la Finlande a adopté une stratégie pour la production durable, en se concentrant sur la préparation numérique des PME industrielles. Le programme “Fit for Digital” aide les PME à concevoir des plans d’amélioration numérique et à développer des modèles d’affaires reposant sur les données et les plateformes pour promouvoir l’économie circulaire. 

Deuxièmement, en facilitant les connexions et en soutenant la coopération. La transition circulaire appelle à la collaboration le long de la chaîne de valeur, entre les designers, les ingénieurs en technologies propres, les développeurs de logiciels, les entrepreneurs, les clients et le gouvernement, et nécessite des espaces pour l’expérimentation, la co-création et le réseautage. Le Danemark conduit le programme Beyond Beta pour le démarrage et développement d’entreprises dans les technologies propres et l’économie circulaire, qui inclue un accélérateur, une boîte à outils accessible en ligne, un soutien en réseau entre pairs, et la coopération des organisations de clusters nationaux. 

Troisièmement, en aidant les PME à s’intégrer dans des réseaux mondiaux spécialisés pour trouver des solutions. La République Slovaque a établi le Cluster Industriel Régional d’Innovation REPRIK dans la région agricole de Banská Bystrica pour promouvoir l’émergence de PME dans l’économie circulaire et dans le domaine des matériaux recyclés innovants, au travers d’une coopération transfrontalière PME-industrie-science. 

Quatrièmement, en concevant des réglementations adaptées aux PME et en soutenant leur mise en conformité. La réglementation climatique évolue rapidement, de nouvelles règles étant établies pour promouvoir la durabilité et le recyclage, ou imposer des performances environnementales minimales. Les systèmes de responsabilité élargie des producteurs placent par exemple le coût du recyclage final ou de l’élimination sur les producteurs. Les PME – comme les grandes entreprises – sont couvertes par ces exigences, mais avec une capacité inégale à scruter le paysage réglementaire. La conformité est cruciale dans les chaînes d’approvisionnement qui restent leur principal canal d’accès aux connaissances et aux ressources. Ici, les Pays-Bas proposent une subvention de trois ans aux entreprises pour s’aligner sur les directives de l’OCDE et améliorer la durabilité au sein de leurs chaînes d’approvisionnement. La France et l’Espagne offrent un soutien financier aux PME pour la certification et l’intégration des normes et standards dans leurs opérations. 

Accélérer le rythme de la transition 

Malgré un intérêt croissant pour les modèles circulaires, en 2022, uniquement 11,5 % des matériaux utilisés provenaient d’intrants circulaires et recyclés en Europe, avec seulement de lentes améliorations sur la dernière décennie. Alors que nous cherchons à boucler la boucle dans les prochaines années, les décideurs politiques doivent renforcer leur soutien aux PME pour montrer la voie. 


** Voir les récentes Perspectives de l’OCDE sur les PME et l’Entrepreneuriat pour plus d’informations sur l’importance des réseaux de PME pour l’innovation et la durabilité, et pour explorer leurs trajectoires possibles.  

Perspectives de l’OCDE sur les PME et l’Entrepreneuriat 2023 – https://doi.org/10.1787/342b8564-en  

Lac de données de l’OCDE sur les PME et l’Entrepreneuriat – https://www.oecd.org/cfe/datalake.htm (en anglais) 

Voir OECD (2020), The Circular Economy in Cities and Regions: Synthesis Report, OECD Urban Studies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/10ac6ae4-en (en anglais) pour plus d’exemples sur comment les villes et régions soutiennent leurs entreprises dans la transition circulaire.  

Voir OECD (2024), Reaching Climate Neutrality for the Hamburg Economy by 2040, OECD Regional Development Studies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/e1e44672-en (en anglais) pour une étude approfondie sur le passage de Hambourg vers l’économie circulaire et le rôle du secteur des affaires dans la transition.  

Voir OECD (2022), Policies to Support Green Entrepreneurship: Building a Hub for Green Entrepreneurship in Denmark, OECD Studies on SMEs and Entrepreneurship, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/e92b1946-en (en anglais) pour une étude approfondie sur l’expérience du Danemark dans le développement de son Plan d’Action pour l’Économie Circulaire.  

Voir OECD/European Commission (2022), Policy brief on making the most of the social economy’s contribution to the circular economy, OECD Local Economic and Employment Development (LEED) Papers, No. 2022/01, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/e9eea313-en (en anglais) pour plus d’exemples sur comment les entreprises sociales actives dans l’économie circulaire peuvent inspirer d’autres PME. 

Head of SME and Entrepreneurship Performance, Policies and Mainstreaming unit at | Website | + posts

Sandrine Kergroach is Head of SME and Entrepreneurship Performance, Policies and Mainstreaming unit at the OECD Centre for Entrepreneurship, SMEs, Regions and Cities (CFE). She leads the work on innovation, internationalisation and the scaling up of SMEs and start-ups, their productivity and ESG performance. She supervises activities related to policy monitoring, the development of data infrastructure and the OECD SME and Entrepreneurship Outlook. She also leads efforts for mainstreaming SME&E policy considerations. Sandrine holds a Doctorate in Economics (TU Berlin), a Master in Strategy and Management (Paris Dauphine-PSL), a Master in Modern History (Paris Sorbonne) and a Bachelor in Applied Economics and Statistics (Paris Dauphine-PSL).

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Lenka Wildnerova is a former junior economist at the Economic Analysis, Data and Statistics Division of the OECD Centre for SMEs, Regions, and Cities. Her work focused on the analysis of firm performance using firm and employee data. She holds a PhD degree from Universite Paris-Saclay in international economics.