Ne vous déshabillez pas tout de suite pour lire ce qui suit.
Le témoignage de Thomas Huriez offre des leçons précieuses pour toutes les PMEs cherchant à réduire leurs impacts sociaux et environnementaux en rapprochant leur production du consommateur.
Plantons le décor : sa société « 1083 » a vendu 50 000 paries de jeans, créé plus de 250 emplois en France (dont 100 emplois directs), et généré en 2022 un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros. Mais comment son entreprise a-t-elle eu un impact sur l’emploi local et l’environnement ?
Façonner la production de jeans
Thomas a commencé à produire des jeans à la suite d’une campagne de financement participatif en ligne très fructueuse. Et depuis, il a commercialisé ses jeans comme des produits éthiques, suscitant l’intérêt de milliers de consommateurs pour des produits respectueux de l’environnement.
Il a également mis en avant le fait que ses jeans étaient produits localement, reposant sur des bonnes conditions de travail pour son personnel.
La première production a été rendue possible grâce à un partenariat durable établi avec une usine textile à Marseille, où deux salariés ont su préserver le savoir-faire de fabrication authentique de jeans. Plus récemment, il a lancé l’école du jeans à Romans dans la Drôme, avec pour objectif de préserver et transmettre ce savoir-faire en France.
Il a également travaillé avec des entités publiques comme la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Drôme, qui lui a permis la rencontre avec une PME locale fabriquant des crampons pour pneus d’hiver. Ensemble, ils ont réussi à adapter cette expertise en clouterie pour créer des boutons en métal pour les jeans, un artisanat disparu en France quinze ans auparavant.
L’usine, un lieu de production de biens, mais aussi d’émotions
Avec des chaînes d’approvisionnement plus courtes que ses concurrents, Thomas a pu éliminer le nombre d’intermédiaires entre l’usine et le consommateur. Cela a non seulement permis de dégager des fonds pour assurer la qualité du produit tout en maintenant des prix abordables, mais a aussi renforcé le lien entre consommateurs et producteurs. Les visites de ses ateliers et de son usine ont renforcé la relation avec le consommateur mais aussi l’estime de ses employés pour leur travail.
Quand une industrie et ses métiers rencontrent la culture d’un territoire et qu’une tradition reprend vie, l’implantation est plus facile. Dans le département des Vosges, l’industrie textile comptait environ 30 000 salariés dans les années 1970. Thomas y a été accueilli les bras ouverts lorsqu’il a ouvert un atelier de confection en 2022.
©️ Thomas Huriez
« Fabriqué in France » ne veut pas dire mono-site.
Thomas et son entreprise ont tiré parti des avantages de différents territoires français. Son siège se trouve à Romans-sur-Isère dans la Drôme, ainsi que l’École du Jean, lancée en partenariat avec Pôle emploi et OPCALIA. Les deux ateliers de confection qui leur appartiennent sont situés à Romans et Rupt-sur-Moselle dans les Vosges, avec des partenariats à Bobigny, Marseille, Paulhac et Montceau-les-Mines. Ses magasins, qui complètent la vente en ligne, sont situés dans à Lyon, Nantes, Grenoble, Paris, et Romans. En adoptant cette approche décentralisée, 1083 stimule l’emploi, valorise les compétences et favorise la croissance économique dans toute la France, en particulier dans les zones touchées par la désindustrialisation. Cette stratégie positionne l’entreprise comme une marque nationale, avec des impacts positifs tant à l’échelle internationale que localement.
Intégrer les marchés publics pour réduire l’empreinte carbone en France
Actuellement, seulement 0,1% des jeans vendus en France sont de confection française et, plus généralement, seuls 3% des vêtements achetés en France sont fabriqués localement. La commande publique peut permettre de soutenir et faire grandir l’industrie.
Une expérimentation avec les uniformes scolaires aura lieu dans une centaine d’écoles, pour 20 à 25 000 élèves. Thomas a rapidement tiré parti de ses bonnes relations avec d’autres entreprises textiles françaises pour créer conjointement une ligne d’uniformes scolaires durables et réparables made in France, disponible à la commande pour les collectivités locales.
Le tissu de la « permaindustrie »
Thomas a créé le concept la « permaindustrie » avec d’autres industriels visant à accélérer la croissance d’un monde bénéfique à l’humanité́ comme à la nature. C’est une approche pragmatique, qui intègre les impacts sociaux et environnementaux dans la poursuite des objectifs économiques. Pour garantir que l’activité industrielle s’aligne sur les écosystèmes locaux environnants, le concept de « permaindustrie » repose sur six piliers : (i) la création, (ii) l’interconnexion, (iii) l’adaptabilité, (iv) la circularité, (v) la diversité (vi) la sobriété. En adhérant à ces principes, les PME industrielles et les décideurs politiques qui les soutiennent peuvent établir un modèle de production moins intensif en carbone, plus localisé, plus centré sur l’humain et, en fin de compte, plus résilient. Cette approche pourrait sous-tendre une nouvelle vision plus positive de l’industrie.
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Pour en savoir plus : Manifeste de la permaindustrie